Association de Soutien à l'Artsakh

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du Contrat d’engagement
républicain

Les engagements juridiques de l’ASA – Entretien avec Catalina de la Sota, avocate inscrite à la Cour Pénale Internationale


Un an après l’invasion du Haut-Karabagh par l’Azerbaïdjan, une plainte pour déplacement forcé de population a été déposée le 19 septembre 2024 auprès de la Cour pénale internationale (CPI). Catalina de la Sota, avocate en droit pénal international, explique cette démarche initiée par le cabinet Zimeray & Finelle Avocats, en collaboration avec la Fondation Tufenkian et l’Association de soutien à l’Artsakh. L’objectif : faire reconnaître les actes d’atrocités commis par l’Etat azerbaidjanais, ayant conduit au déplacement forcé de plus de 100,000 Arméniens, comme crimes contre l’humanité.


1. En quoi la plainte déposée à la CPI pourrait-elle permettre de rendre justice aux victimes déplacées de force?  

Les victimes déplacées de force du Haut-Karabakh en septembre 2023 sont, comme d’autres telles que celles du Darfour, les grandes oubliées de l’actualité : nous ne pouvons tolérer qu’elles deviennent également les délaissées de la justice. Seule la Cour Pénale Internationale (CPI) est en mesure de juger ces crimes aujourd’hui ; or il est important de rappeler que la CPI recherche la responsabilité des individus et non des Etats. A la suite de la plainte que nous avons déposée, si une enquête est ouverte, la CPI ne poursuivra  donc pas l’Azerbaïdjan mais très probablement certains de ses hauts dirigeants et cadres militaires, responsables de crimes précis commis en septembre 2023. 

Face à la CPI, les victimes peuvent solliciter des réparations pouvant prendre la forme d’une indemnisation financière ou d’une restitution de biens, ainsi que des mesures symboliques telles que la formulation d’excuses publiques ou l’édification d’un monument commémoratif.

2. Quel rôle peut jouer la France dans cette affaire auprès de la CPI?

Conformément aux dispositions du Statut de Rome, rien n’oblige le bureau du Procureur de la CPI à donner suite à une communication adressée directement par les victimes d’un crime entrant dans le champ de compétence de la CPI. Peut-on pour autant accepter que de tels actes demeurent dans l’angle mort de la justice internationale, et laisser régner l’impunité face aux crimes les plus graves ?

La France peut s’enorgueillir d’avoir porté depuis le premier jour le projet d’une juridiction pénale internationale, d’avoir participé à son édification et de contribuer aujourd’hui à son fonctionnement. La justice internationale a été défendue avec force par des générations de diplomates et d’hommes d’État qui, comme Robert Badinter, voyaient dans cette institution le moyen d’un monde plus juste. C’est pourquoi, alors que nombreux sont les Arméniens de France concernés par cette tragédie, nous appelons la France à agir en cohérence avec ses déclarations constantes en faisant application de l’article 14 du statut de Rome qui dispose que “tout État partie peut déférer au procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le procureur d’enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes.”

La France pourrait ainsi saisir le bureau du Procureur de la Cour Pénale Internationale de la situation afin de l’inciter à enquêter sur les crimes commis.  

3. Quelles sont les étapes succédant au dépôt d’une plainte auprès de la CPI pour des faits de déportation forcée ?

Nous avons déposé ce que l’on appelle une « communication » au Bureau du Procureur, sur le fondement de l’article 15 du Statut de Rome. Cet article stipule que toute victime peut apporter des éléments de preuve au Procureur. Si ce dernier conclut en l’existence d’une base raisonnable à l’ouverture d’une enquête, le Procureur présente alors à la Chambre préliminaire une demande d’autorisation en ce sens. Nous espérons bien sûr qu’une enquête sera ouverte dans les meilleurs délais, sur le fondement des communications transmises par les victimes mais également des saisines des Etats parties, comme nous invitons la France à le faire. Une fois l’enquête ouverte, le bureau du Procureur pourrait conduire des investigations pour faire toute la lumière sur les crimes commis et d’en identifier les responsables, contre lesquels des mandats d’arrêt pourraient être émis.