TRIBUNE. Dans une lettre ouverte au président Emmanuel Macron, le représentant en France du Haut-Karabakh dénonce la visite que l’ambassadrice de France à Bakou y a effectuée.
Monsieur le Président de la République,
Le 21 juin 2025, l’ambassadrice de France en Azerbaïdjan posait le pied à Chouchi, haut lieu culturel et historique arménien de l’Artsakh ou Haut-Karabagh, annexé en novembre 2020 lors d’une offensive azerbaïdjanaise menée au mépris du droit international.
Depuis 2020, la France s’est faite la voix puissante d’une solidarité politique transpartisane vis-à-vis de l’Arménie et de l’Artsakh. Dirigeants de partis politiques, députés, sénateurs, maires et présidents de régions ont apporté leur soutien aux Arméniens, dénoncé les exactions, appelé au respect des droits humains et de la justice ainsi qu’à des sanctions contre l’Azerbaïdjan. Cinq résolutions ont été adoptées en ce sens à la quasi-unanimité au Sénat et à l’Assemblée nationale. Vous -même, Monsieur le Président, vous avez affirmé le 12 octobre 2022 sur France 2 lors de l’émission « L’Evénement » : « La France est là, présente, puissance de médiation… et nous ne lâcherons pas les Arméniennes et les Arméniens. »
Les faits sont si graves qu’aucune nation prétendant défendre les droits de l’Homme ne saurait les ignorer.
Après la guerre de 2020 lors de laquelle tant de jeunes Arméniens perdirent la vie et des milliers de leurs compatriotes d’Artsakh prirent la route de l’exil, l’Azerbaïdjan imposait un blocus total à la République d’Artsakh en décembre 2022. En février 2023, la Cour Internationale de Justice dénonçait ce blocus responsable d’une famine organisée, d’un effondrement sanitaire, et de l’impossibilité d’accès à la scolarité pour 30 000 enfants. À l’été 2023, des soldats azerbaïdjanais n’hésitaient pas à tirer sur le véhicule des observateurs de l’UE. Des élus français accompagnaient en août un convoi humanitaire, bloqué à la frontière, et vous demandaient de porter une résolution auprès du Conseil de sécurité de l’ONU pour placer le corridor sous protection internationale.
En septembre de cette même année, une offensive finale azerbaidjanaise contraignait l’ensemble de la population arménienne d’Artsakh à quitter des terres où elle vivait depuis plus de deux mille ans. Cet exode forcé de tout un peuple qui, selon la ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, « ressemblait à un nettoyage ethnique » n’ont pas suffi à Bakou. Depuis plus de deux ans, une entreprise d’effacement de toute présence arménienne est à l’œuvre avec destruction de son patrimoine culturel. Le gouvernement azerbaïdjanais ne cache même plus ses intentions, glorifiant les commanditaires du génocide des Arméniens de 1915, ceux qui assassinèrent les familles de Missak et Méliné Manouchian que vous avez panthéonisés en février 2024.
Votre ambassadrice, avec cette visite à Chouchi, banalise l’effacement d’une vaillante petite démocratie fondée au prix du sang, sur un territoire arménien historique rattaché à l’Azerbaïdjan par la seule volonté des bolchéviks, et dont les habitants n’ont cessé de subir discriminations et persécutions par les autorités azerbaïdjanaises jusqu’à leur élimination totale.
Monsieur le Président, dénoncerez – vous la banalisation du déplacement forcé des Arméniens d’Artsakh ? Vous dresserez – vous contre une dictature qui retient arbitrairement dans ses geôles des dizaines de prisonniers arméniens, qui qualifie l’Arménie « d’Azerbaïdjan occidental » et, malgré toutes les concessions unilatérales du gouvernement arménien, se refuse toujours à signer un « Accord de paix » ? Défendrez – vous le droit au retour des populations déplacées ?
Dans notre monde déchiré par de si graves crises, se taire sur la première épuration ethnique de ce siècle est un aveu de faiblesse, le banaliser comme l’a fait par ses propos votre ambassadrice est un bien sombre présage pour l’avenir.
Hovhannès Guevorkian
Représentant du Haut-Karabagh

